11 septembre 2021

Brève incursion dans la partie mécanique de nos instruments



Comme l'accordéon, l'harmonica est soumis à certaines contraintes techniques, vibrations,
étanchéité, force du flux d'air, chocs de pression etc … mais il cumule des difficultés spécifiques: le décalage thermique , la vapeur d'eau , les champignons et … « les épluchures ».

Le chromatique:
les mouvements de l'air s'effectuent sur deux anches par trou, l'une soufflée et l'autre aspirée.

Les sommiers
Ils sont en bois: poirier, érable, bambou, doussié, les différences d'élasticité, de densité, de porosité permettent d'obtenir des timbres différents. En plastiquepvc et acrylic, ils sont plus faciles à entretenir et moins sujets aux affres de l'humidité mais leur résonance est plus faible et le timbre moins chaud. En métal essentiellement de l'aluminium (Hohner 14 meisterklasse) ou argenté pour les modèles de luxe. Le timbre est métallique mais puissant et expressif et les réactions des hanches sont franches et rapides.

Les plaques
Percées des lumières recevant les anches elles sont en laiton et quelquefois doubles comme sur le hohner super 64 X afin d'obtenir une meilleure résonance sur un sommier en acrylique.

Les anches
Elles sont généralement en laiton souple et protégées de la corrosion par du nickel. Leur longueur conditionne la note. Leur épaisseur influe sur le timbre et vas de 0,9 mm pour les diatoniques, à 1,05 ou 1,20 mm pour les chromatiques et jusqu'à 2 mm pour la basse. (le Hohner « toots thielemans » mellow tone, plus propice au blues, est équipé de 1,05 et le Harp bopper , plus jazz de 1,20 ). Elles sont ajustées en usine par limage de l'extrémité mobile pour hausser la note ou au talon pour baisser le ton. Les fréquences sont très souvent ajustées de 5 à 10 % au dessus de la fréquence de principe. En cas de remplacement d'une hanche causée par la casse ou l'affaiblissement du métal, il arrive que l'on doive ajuster la fréquence en limant la partie mobile de la anche pour hausser le ton ou en la chargeant d'une pointe de soudure pour réduire la fréquence vibratoire et ainsi abaisser la note.

Les valves et leurs problèmes
Deux anches par trou créent des pertes d'air et des vibrations parasites. On pallie ces inconvénients par la pose de valves. Elles obstruent la lumière de la plaque portant les anches suivant le sens du flux d'air. En plastique, elles ont tendance à coller à la plaque avec la vapeur d'eau bloquant ainsi le son. Des modèles plus modernes comportent une couche de téflon. Mieux vaut « chauffer » l'instrument avant de jouer afin d'éviter la condensation.

Les embouches et tirettes
En laiton nickelé ou inox. Elles ferment ou ouvrent les cases permettant d'accéder aux notes
altérées. Des études récentes portent sur la forme des trous afin de réguler et contrôler le flux d'air. Ce montage permet une grande vélocité et les effets de trilles.

L'entretien général
Vaste programme ou chacun y va de sa recette. La meilleure méthode consiste à se laver les dents avant de jouer. On peut, de temps en temps, faire tremper l'harmonica dans un bain d'eau à peine tiède agrémenté d'un cachet pour dentiers puis à rincer et sécher. Méthode interdite aux instruments à sommier en bois. Franz CHMEL aurait solutionné ces problèmes avec son NC 64 monté par boulonnage de anches en acier inoxydable et équipé de valves « secrètes ». 

Les spécificités mécaniques des Chord
Le HOHNER: valvé. son sommier en bois lui donne un timbre assez doux. Le SUZUKI SCH 48 est aussi valvé et le BCH 48 comportant la basse de l'octave inférieure est non valvé. Leurs sommiers en plastique et leurs anches soudées leur donnent un timbre plus métallique mais l'entretien est plus facile .

Les spécificités mécaniques de la basse
Le sommier est en bois chez Hohner et en plastique chez SUZUKI et SWANN. Elle comprend deux anches par trou chez HOHNER et SUZUKI pour l'amplitude du son, et une seule chez SWANN.

Les « effets » ou plutôt les « expressions »
Pour l'harmonica, le mot « effet » induit l'idée de fioriture, d'astuce technique quelque peu futile pour mettre en valeur l'exécutant et sa « technique ». Bizarre, car il ne viendrait à l'idée de personne de qualifier d' »effet » le doigté vibrato du violon. Sans doute des harmonicistes ont' ils, par le passé, abusé des « effets ». On peut préférer « l'interprétation » ou plus simplement « l'expression » de Marcelo BATISTA à celle de Franz CHMEL (ou l'inverse) sur la Méditation de Thaïs de jules MASSENET par exemple (youtube /harmonica) l'un est brésilien et l'autre Autrichien. En groupe, une expression est plus délicate à réaliser car elle doit l'être par tous au même moment choisi par le chef.

Le cornet :
C'est le plus simple. Ouvrez les mains en cavité de chaque côté de l'instrument sans, bien sûr, lâcher la tirette. Elles réalisent un co-écho et une diffusion de pavillon qui dirigera le son vers l'auditoire ou le micro. Le cornet amplifie le son et modifie le timbre de l'instrument comme le fait par construction le CX12 de Hohner comparé à un chromonica par exemple. On peut l'utiliser pour illustrer des moments « cavaliers » « tonitruants » ou « contrariés ».

La sourdine:
C'est l'inverse, les mains en conque autour du l'harmonica restent fermées et produisent un effet de trompette bouchée tout en atténuant le son. Outre son utilisation pour le jazz, on peut lui faire exprimer des mélodies d'interrogation, d'intériorisation voire de tristesse.

Le cornet et la sourdine se pratiquent aussi successivement
voir : youtube harmonica Larry ADLER Screwz blues. Le vibrato, ou plutôt les vibratos. A priori plus proches de l'harmonica diatonique 10 trous de blues ou country, il sont aussi indispensables pour le chromatique. Attention :C'est notamment l'expression dont il ne faut pas abuser et utiliser à bon escient.

Le wha/wha
C'est un vibrato de mains. Placées en conque autour de l'instrument, elles obscurcissent le son. L'ouverture de l'une d'elle restitue le son normal au rythme des ouvertures / fermetures. Utilisable avec bonheur ,comme la trompette wha-wha, dans certains passages jazzy cette expression peut vite devenir une mauvaise habitude et une abomination pour celui qui écoute.

Le souffle :
c'est le vibrato de: OUF OUF, provoqué par la contraction du diaphragme. C'est un vibrato lent, puissant mais fatiguant. Il peut être utilisé, par exemple, en fin de phrase sur deux croches pour la stopper brutalement et bruyamment.

La gorge :
Ou plutôt l'arrière gorge. C'est le vibrato de: GH GH GH. Haché et quelque peu brutal, il peut aussi accompagner une fin de phrase dans l'esprit d'une bille qui rebondit, ralentit puis s'arrête.

La langue :
C'est, à mon sens, le meilleur outil des vibratos car on peut exercer un contrôle très précis de la vitesse de vibration du flux d'air et aussi de sa pression qui joue sur la hauteur du son de la hanche. (altération subtile). La langue peut se mouvoir de bas en haut ou transversalement selon l'aisance de chacun. Le mouvement vertical est plus modulant et plus large. La pointe collée derrière les dents du bas, elle se meut en son milieu et donc, de haut en bas. En général la fréquence varie du rapide vers le lent mais rien n'est écrit dans le marbre et si vous sentez qu'une montée en fréquence peut illustre une phrase musicale, ne vous gênez pas.

Le menton
Tout aussi important pour le chromatique car il permet des vibrations de basse fréquence modulées par la cavité buccale et son effet d'écho. Il se réalise en mouvementant la mâchoire de bas en haut et vice et versa. Sa lenteur, à priori, en font un effet de fin de phrase voire de fin de morceau. Très expressif car il dilate la cavité buccale en créant un effet d'écho et d'amplification tout autant qu'en donnant à la note un timbre plus grave.

L'accordéon :
On peut l'illustrer au polyphonia Hohner :déplacer l'harmonica de droite à gauche et vice et versa. on peut aussi déplacer la tête dans le même mouvement (attention aux cervicales), c'est ce qui se pratique au polyphonia Suzuki BCH en utilisant les basses / accords.On y fait intervenir les notes voisines (les tierces) qui s'accordent. On peut aussi l'utiliser en transition, l'action de la note voisine étant un ajout bref , dynamisant, au texte écrit.

L'altération (modulation) :
c'est le grand jeu des harmonicas diatoniques. (overblows, overdraws). c'est un effet difficile qu'on obtient en distordant le souffle dans le mouvement « T iuuuu iuuuu» Il permet aussi sur les harmonicas diatoniques de créer les notes manquantes. Sur un chromatique, s'il est très bref c'est un effet de relance et s'il est lent, une période indécise .

L'altération par demi ton ou les décalés :
Il s'agit la d'ajouter une note altérée dans le texte, c'est un coup de tirette. Elle peut être très brève et porte un effet de transition ou répétée plus ou moins rapidement, c'est alors le trille à la tirette. Elle peut aussi plus longue, glissée lentement d'une note à son demi ton inférieur et retour en faisant mouvementer la tirette avec lenteur dans un sens et l'autre. Elle valorise l'effet de discordance et d'angoisse.

La prononciation :
C'est le ouah/ouah ou tout autre voyelle « parlée » dans l'instrument. Plus favorable au diatonique (rap au diato) cet effet est facile et ... facilement malencontreux au chromatique . Utilisable brièvement en appui de chant ou en ponctuation de montées ou descentes de croches.

La résonance :
Pour jouer le son juste le réflexe naturel est de serrer (et crisper) les joues. Essayez de les détendre, de relâcher la mâchoire du bas. Vous amplifierez ainsi la caisse de résonance constituée par la cavité buccale. Le son en deviendra plus ample et plus rond. Ce effet est à usage plus long, portant sur plusieurs notes voire sur une phrase entière afin de la colorer de résonance et d' amplitude un peu comme un son d'orgue .

Les notes piquées

Les piqués de la langue
Portant sur la note, ils sont nets et varient avec la position de la langue, bloquant la pression du souffle. C'est le TH TH TH comme si vous crachiez un pépin. Ils vont de la position directe de la langue dans le trou de l'embouche au claquement de la langue en haut du palais en passant par la touche de l'arrière des dents. Très importants en respect des indications de la partition (point au dessus de la note), ils sont utilisables en groupe .

Le jeu à l'octave :
(cette technique est voisine de celle qui est utilisée au diatonique pour jouer les accords). il consiste à emboucher largement l'instrument puis à boucher avec la langue les trous centraux laissant ainsi libres les deux trous des extrêmes, à l'octave. Par exemple DO , emboucher le Do 1, le Mi, le Sol et le DO 2 puis boucher Mi et Sol avec la langue. Pas si facile ! Ecoutez le trio MENDES sur youtube dans « the stars and stripes » par exemple. On peut évoquer le jeu à la quinte (emboucher 3 trous) et à la tierce avec 2 trous.

Permettez quelques pistes :
Ecoutez :(youtube harmonica)
le Czardas de MONTI par Franz CHMEL puis par Jackie ROHAUT et aussi Toots THIELEMANS dans « ne me quitte pas » (youtube belgavox toots thielemans ne me quitte pas ) puis la valse des voyages par Bruno KOWALCZVK. Découvrez aussi les personnalités de Philip ACHILLE et de Gianluca LITTERA qui travaillent avec un orchestre classique et encore le trio MENDES dans Bailado algarvio. Pour ceux qui préfèrent les dames, écoutez Michal ADLER dans « yatzanu at »

Répertoire spécifique de l'instrument
les créateurs classiques :
Heitor Villa-Lobos : concerto pour harmonica et orchestre
Michael Spivakovski : …................................................ …
Sir Malcolm Arnold : …....................................opus 46
James Moody : Toledo, fantaisie espagnole pour harmonica et orchestre
Robert Farnon : prélude et danse pour harmonica et orchestre

Quelques noms à connaître

Le diatonique
Parmi beaucoup d'artistes américains jouant du blues retenons: Sony boy Williamson, James
Cotton, Sonny Terry, Howlin' Wolf , little Walter … Dans d'autres styles: Buddy Green, Charlie
Mc coy. Citons aussi Lee OSCAR, très peu connu comme instrumentiste, ce danois émigré aux USA est toujours présent grâce à un diatonique du fabriquant japonais Tombo qui porte son nom. Citons aussi l'australien Brendan POWER .

Le chromatique
Celui qui est la référence absolue est Larry ADLER à l'aise dans le jazz, la variété et le classique. En Jazz, le maître absolu est Toots THIELEMANS mais aussi Olivier KER-OURIO et Thierry CROMEN. En classique, on peut citer Claude GARDEN, un Français récemment disparu qui a fait une carrière internationale (sauf en France); Franz CHMEL un autrichien domine ce créneau. Citons aussi Marcelo BATISTA un brésilien et Gianfranco LITTERA …. En variété  Steevie WONDER évidemment, en folklore, citons un argentin : Hugo DIAZ. En France actuellement, écoutez Antoine LEROUX, vice champion du monde à Trossingen et Bruno ROUILLE un Nantais.

L'orchestre d'harmonicas
Très répandu dans les années 60, il se compose traditionnellement d'un ou deux solistes chromaticiens, un polyphonia et une basse. Aux états unis, on peut se référer à Jerry Murrad's et ses Harmonicats. En France le trio RAISNER a même eu une émission régulière à la télévision. On peut entendre aussi le groupe 'harmonica 17'... Si En France cela s'est un peu perdu, pour le reste de la planète on a encore beaucoup de formations: des Néerlandais: Fata Morgana, Des Finlandais : Sväng qui ont officié aux Folles journées de Nantes en 2011 , des Israéliens : le trio ADLER dont le soliste est une femme, les portugais du groupe de Ponte de sor, les isréliens de 'harmo orchestra', ... Comme pour beaucoup d'autres choses, l'harmonica a effectué son glissement vers l'asie ou les cours de musique sont donnés dans les écoles sur notre instrument. On y trouve de grands orchestres dans les collèges et lycées et il n'est pas une grande école qui ne supporte le sien. Il n'est donc pas étonnant que nombre des prix décernés au concours de Trossingen soient raflés par des harmonicistes asiatiques. Citons par exemple le National university harmonica orchestra de Singapour; le Hong kong association orchestra, l'orchestre d'harmonicas du StPaul co-éducation collège ….  Pourquoi s'étonner qu'un grand industriel japonais « suzuki »se soit intéressé à notre instrument !

En conclusion
Si en France, l'harmonica a connu un succès très grand dans les années 50, il est souvent considéré comme un instrument peu intéressant par la majorité de l'élite intellectuelle quand on ne l'évoque pas comme un simple jouet. Cependant, comme son cousin l'accordéon, il reprend de la vigueur grâce a la nouvelle scène Française qui fait appel souvent au diatonique et aux jeunes générations ouvertes aux influences extérieures et en particulier, au blues.

L'organisation
Il existe peu de clubs structurés en France mais il y a une fédération : Harmonica de France (H2F) qui édite une revue et organise le championnat de France. Il existe aussi plusieurs manifestations. Citons aussi, tous les 4 ans, les championnats du Monde à TROSSINGEN en allemagne, berceau de la marque Hohner.


                                                        Article : François BOCCIARELLI