Il est temps de faire l'entretien ou le nettoyage de son harmonica
Dans le temps et après avoir joué de nombreuses fois dans notre instrument, celui-ci peut avoir besoin d’un entretien bien mérité, il nous faut intervenir.
Bon, puisque tu y tiens, on va en démonter un ensemble.
D’abord, on va rappeler quelques définitions :
Le sommier : c’est le genre de peigne en bois, en pvc ou en métal sur lequel tout le reste est fixé.
Les plaques : ce sont les deux feuilles de laiton estampées sur lesquelles se fixent les éléments mobiles ;
Les anches : sont les petites lames de laiton ou d’acier inox fixées sur les plaques par un rivet ou une soudure et qui, en vibrant sous le souffle, fournissent le son.
Les valves : ce sont les petites lames de plastique simples pour les notes aiguës ou doubles avec leurs contre-valves pour les notes plus graves, collées à l’envers des anches et dont la fonction est de bloquer le passage de l’air suivant que l’on sollicite la anche soufflée ou la anche aspirée située dans la même alvéole.
Le piston : c’est la partie mobile de l’embouche pour obtenir les altérations dièses et bémols.
L’embouche elle-même et les capots, c’est évident.
Attention : ce que je vais te dire maintenant n’est pas valable pour les harmonicas dont le sommier est en bois, du poirier en général ; en effet, si tu le mouilles, le bois va gonfler et se tordre, tu ne pourras pas lui redonner sa forme d’origine et il faudra en acheter un neuf. Pour ce genre de sommier et s’il est bien sec, je le remplis de bicarbonate de sodium sec, lui aussi, celui qu’on met dans les haricots et je le laisse plusieurs heures comme ça ; ensuite, je le brosse, toujours à sec avec une brosse à dents à mains ; ça désinfecte et ça nettoie bien.
Revenons à notre Harmonica standard avec son sommier en pvc, métal ou cristal.
Dévisse les capots, cale la contre-vis avec ton doigt, car il se peut que ça tourne dans le vide ; range les vis dans un récipient à part et à partir de là, fais attention ou tu mets tes doigts.
En effet,
- si tu touches une valve, tu risques de la froisser et il faudra la remplacer c’est-à-dire : en avoir, avoir la bonne, nettoyer le point de colle, recoller à la cyanoacrylate sans s’en mettre plein les doigts ni sur la anche voisine ;
- si tu touches une anche, tu risques de la vriller, de la casser ou de la désaxer auquel cas, il faudra la remplacer et c’est au-delà d’un bon bricolage, heureusement, il y a des professionnels ; et si elle est désaxée, il te faudra la clé adéquate et pas mal de patience.
Cela dit, on continue :
Retire, avec une petite pince, les cales de capots enfoncées dans les plaques, elles sont là pour empêcher de déformer les capots quand on serre l’harmonica trop fort.
Ensuite et aussi bizarre que ça paraisse, il vaut mieux démonter les plaques avant de démonter l’embouche, en effet, il y a un piège là-dessous c’est le ressort du piston ; comme tous les ressorts, il a tendance à se barrer n’importe où et surtout vers des endroits improbables.
Tiens les plaques sans toucher les valves et pose-les à plat sur ton torchon non pelucheux bien sûr. Range les vis dans le récipient prévu.
Là, tu découvres le sommier et le ressort. Enlève-le en mettant ton doigt dessus pour éviter qu’il se barre et range-le soigneusement ; détendu, il n’est pas dangereux.
Tu peux t’attaquer à l’embouche.
Dévisse les deux vis de chaque extrémité, tu vas trouver l’embouche elle même avec ses trous sophistiqués et, derrière, en haut à droite, une petite fente qui permet à la tête du ressort de bouger.
Ensuite tu vas trouver le piston avec ses trous carrés et son petit trou qui reçoit l’extrémité du ressort puis la plaque de glisse qui protège le sommier du mouvement du piston. Sur certains modèles, notamment au sommier en bois, il y a une plaque supplémentaire pour guider le piston, mais ça ne change rien à l’idée.
Tu vas voir que les vis d’embouche sont glissées dans des petits tubes de plastique, ce sont les cales qui les protègent des coups de piston justement ; fais attention de ne pas les perdre. Tu peux toujours les remplacer par des neufs ou en couper dans des tubes d’encre de stylo bille, mais ça, c’est déjà du sport, car les diamètres correspondent rarement et il faut un peu d’équipement.
Dans le sommier, tu vas trouver les deux écrous des vis d’embouche ; ils sont enfoncés dans des alvéoles mais, sur beaucoup de modèles, ils ont aussi tendance à disparaître ; retire les avec un petit outil pointu et range-les dans une boite, ça évitera de les perdre dans le bain de nettoyage. Si tu ne peux pas les sortir, bloque les avec un morceau de feutre ou de pâte décollable par exemple.
Si on se résume : tu as les deux capots, les plaques, le sommier, l’embouche et sa glissière et le piston puis, dans la boite, les vis de capots, les vis de plaques, les cales de capots, les vis d’embouche et les cales plastiques tubulaires et aussi les écrous des vis d’embouche ; a priori, on n’a rien perdu.
Nettoie les capots avec de l’alcool ou dans l’eau avec un peu de liquide vaisselle ; veille à bien gratter les parties proches de l’embouche, c’est là que la saleté se fixe ; rince bien sous le robinet à l’eau tiède et sèche-les avec un torchon.
Maintenant tu peux t’attaquer aux plaques avec leurs anches et les valves, c’est le moment délicat.
Dans l’évier ou un récipient en plastique, mets de l’eau tiède sur 5 cm environ, ajoute un peu de liquide vaisselle bio puis prends les plaques une à une par les espaces les plus éloignés des valves. Verticalement, trempe les dans l’eau et fais les aller et venir assez vigoureusement 50 à 60 allez et retours, il faut que tu voies les valves bouger et que l’eau circule derrière elles.
Ensuite, tu peux rincer avec la même manœuvre, mais dans de l’eau propre, tu peux changer d’eau de rinçage deux ou trois fois si tu veux comme la salade.
Surtout veille à utiliser de l’eau tiède, une trentaine de degrés maximum, jamais d’eau chaude, tu verrais les valves se redresser et crisper comme les cheveux sur la tête à ceci près qu’elles ne reviendront jamais à leur forme d’origine, toutes à changer, bonjour la facture. Je sais, je radote, mais c’est pour faire des économies.
Pour le séchage des plaques, pose les simplement sur un tissu éponge non pelucheux, délicatement, bien à plat et appuie un peu, l’eau va partir par capillarité.
Là encore, je me répète, jamais de radiateur ou de sèche-cheveux. Mets-les à sécher ensuite sur ton torchon propre, elles vont finir toutes seules, ce n’est pas pire que ce qu’elles prennent quand tu joues. Tu peux les mettre à sécher debout en les maintenant à chaque extrémité par une pince à linge.
Le plus gros est fait.
Fais pareil avec l’embouche, le piston et la glissière, dans l’eau tiède au liquide vaisselle, mais cette fois, tu peux frotter avec une brosse à dents ; la graisse est parfois bien collée. Rince-les sous le robinet pas trop chaud, ça n’apporte rien et ça peut créer une mauvaise habitude, sèche les au chiffon et range-les.
Une fois tout ça bien sec, vérifie que les valves ne se sont pas décollées et qu’elles mouvementent bien en les soulevant une à une légèrement avec un outil plat, cure-dent en nylon ou autre ; elles doivent retomber naturellement sur les plaques ; si une reste un peu en l’air, ce n’est pas très grave, mais mieux vaudrait la changer. Pour ça, comme déjà évoqué, il te faut une pince genre pince à timbres, pas une pince à épiler, ça pourrait les couper. Si tu as pu en commander un lot, elles se collent à la colle cyanoacrylate, une toute petite goutte apportée par un bâton genre cure-dents, prends de la colle en gel, c’est plus facile à manipuler et fais attention, ça colle les doigts et on peut en mettre partout.
Vérifie aussi les anches, une à une, appuie dessus légèrement sur l’extrémité mobile évidemment, pas du côté du rivet ou soudure; elles doivent entrer dans leur lumière de la plaque sans forcer et sans être gênées par un paquet de crasse, un poil ou un morceau de fil ; elles doivent aussi remonter naturellement jusqu’à se trouver légèrement au-dessus du niveau de la plaque, c’est l’espace de sifflet qui permet au flux d’air de les faire démarrer. Tu verras que cet espace est plus important sur les anches longues des notes graves que sur les notes aiguës, c’est normal, regarde si la continuité de cet écartement est cohérent du grave à l’aigu.
Si, avant de démonter, tu as remarqué une note qui faisait un bruit de ferraille ou qui grince un peu, vérifie l’alignement de la anche ; elle doit être parfaitement parallèle aux deux bords de la lumière ; si ça n’est pas le cas, il faudra la réaligner, mais pour cela, il faut la clé spéciale et des doigts de fée pour y réussir sans rien toucher d’autre autour. Tu n’auras pas ce problème avec les modèles dont les anches sont soudées : c’est bon ou c’est cassé.
Je crois qu’on fait le tour.
Maintenant, il faut remonter.
Prends l’ordre inverse. D’abord remets en place les deux écrous de vis d’embouche dans leurs alvéoles respectives du sommier.
Pose le sommier verticalement, alvéoles courtes à droite et positionne la plaque de glisse en veillant à mettre la fente du ressort en haut.
Pose le piston dessus, trou du ressort en haut (ou première alvéole en haut si le trou du ressort est au milieu); positionne les deux tubes de protection des vis dans les trous, ça ce n’est pas toujours facile surtout si une partie s’enfonce jusque dans le sommier, enfonce les bien sinon ils vont coincer le piston quand tu vas serrer les vis.
Positionne l’embouche dessus en veillant à mettre la fente du ressort à droite et en haut puis mets les vis en place, attention, les écrous de l’autre côté, ont pu bouger un peu, ça doit se visser à fond, mais sans forcer, c’est de l’horlogerie tout de même.
Vérifie que le piston glisse bien sinon, c’est que quelque chose est mal placé ou que les cales des vis d’embouches ne sont pas bien enfoncées ; à défaire et recommencer donc...
C’est bon.
C’est le moment de remettre le ressort en place, le bout dans le trou du piston, l’arrondi autour de son plot de fixation au sommier et c’est le moment ou il faut tous les doigts pour le forcer à reprendre sa tension sans sauter au bout de la pièce, c’est le moment ou on rêve d’être un poulpe en effet.
Vérifie, en gardant bien ton doigt dessus, qu’il renvoie bien le piston.
Super. C’est le moment de remonter les plaque, il faudra remonter les deux en même temps puisque tu as vu que la plaque du dessous sert d’écrou.
Prends tout ça délicatement et mets-les en place en positionnant une vis centrale sans la forcer.
Sur certains modèles il est un peu difficile de retrouver le sens des plaques, est-ce celle du dessous ou du dessous ? Outre les anches longues à gauche et les courtes à droite, fie-toi aussi à leur oxydation qui noircit un peu le laiton, le plus oxydé, c’est toujours le côté sommier et on en voit bien les marques.
Ensuite tu mets en place les autres vis, tu les amorces un peu et tu veilles à ce qu’elles le soient bien toutes. Ensuite, tu peux les serrer, sans forcer en partant de celles du milieu et en allant vers les deux extrémités. Ça va assurer une meilleure étanchéité.
Tu peux alors remettre en place les cales de capots et revisser les capots ; celui du haut est celui qui a les chiffres gravés. Sur certains modèles comme le Hohner super 64 X par exemple, veille à bien les équilibrer de chaque côté sur le sommier.
C’est fini, tu peux essayer.
Maintenant, je vais te donner quelques considérations personnelles concernant le piston, certains l’huilent, pourquoi pas, il glissera mieux mais, car il y a un mais, les particules d’huile vont se mélanger à ta vapeur d’eau et aller colmater les valves, on a déjà vu ça !!! Je pense que l’harmonica est conçu sans huile alors, pourquoi en mettre d’autant que l’huile de trompette qui a été à la mode un temps s’est avérée toxique et que l’huile d’olive est parfaite pour la cuisine. A la rigueur, tu peux mettre un peu de graisse à l’extrémité du ressort qui coulisse dans le piston, ça évitera de délicats grincements mais, c’est du luxe.
Quant au stockage de ton instrument, bien propre et sec, range le à température ambiante, dans sa boite afin d’éviter qu’il avale les peluches ou les poils du chat.
Pour l’anecdote, j’ai vu une basse au sommier de bois, emballée dans sa boite sans doute encore humide, c’était une caverne de champignons verdâtres que j’ai été obligé de traiter avec un fongicide médical recyclable en pharmacie seulement ; Beurk !
J’ai aussi vu passer un chromatique, toujours avec un sommier en bois qui s’était fendu parce qu’il avait été stocké dans un placard au voisinage d’une cheminée de chauffage.
Comme je te l’ai dit au début de notre promenade, nos harmonicas sont des instruments de musique, ils sont donc à soigner comme les autres saxophones, trombone ou autres.
Bon ! C’est le moment de se quitter, j’espère que mes élucubrations t’auront été un peu utiles, en tout cas, je te remercie pour ton courage et ton abnégation d’avoir subi mon bavardage jusqu’au bout.
Salut donc et bon vent musical.
Article : François BOCCIARELI